La soif du coeur ne s\'apaise pas avec une goutte d\'eau.

P r é f a c e

Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Je ne pourrai pas vous répondre à cette énigme. Mais je peux fort bien vous décrire ma petite personne. Mais j'aimerais vous dire, avant toute lecture des phrases suivantes, oublier tout ce que vous avez entendu ou lu. À présent que votre tête est vide de bêtise et de sornette en tout genre, vous allez imaginer le bruit de l'eau qui glisse, lentement, doucement, les gouttes osant à peine se toucher entre elles. Ajoutez à cela le bruissement continu des feuilles et le souffle chaud du vent. Laissez vous aller, écoutez, imaginez les perroquets multicolores, leur tête sous leurs ailes. À présent, veuillez je vous pris lire ce qui va suivre.

Je suis l'élément de l'eau. Je vis, avec l'eau, je dors avec l'eau. Je contrôle et crée de ce liquide si précieux à mes yeux. Oui, qui n'a donc jamais rêvé d'être sous l'eau pendant une éternité ? Qui n'a donc jamais rêvé de pouvoir rester dans l'eau sans voir ses doigts se transformer en peau de pêche, molle et ridée ? Je sais au plus profond de votre âme que vous aimez l'eau. Sans l'eau vous serrez mort. L'eau nous donne la vie et c'est grâce à moi que nous pouvons continuer à batifoler autour des jeunes mâles, impuissant. Non sans me vanter, je trouve l'eau exquise, rafraîchissante et doué d'un humour inimitable. Après toutes ces paroles dignes d'intérêt, avez-vous deviné ce que je suis ? Exacte, je suis une sirène. J'ai le pouvoir de me transformer en eau, de disparaître dans une flaque pour apparaître dans une autre. Cela est fort pratique, je vous l'admets. Mais il y a autre chose. Une chose que toute femme aimerait posséder de son vivant. Une chose que toute femme essayent, en vain de faire ; séduire les mâles, toutes espèces confondues. Ne soyez pas jalouse camarade ! Je vous offre mon eau et vous vos hommes, n'est-ce donc pas formidable ?

Vous en savez donc un peu plus sur les sirènes. Maintenant, laissez-moi me présenter physiquement à vous. Je suis grande, assez pour toucher la paroi de ma grotte. Je suis fine également. L'eau me le chuchote chaque jour vous savez ! Mes cheveux blonds tombant de temps en temps en tresses sur mes épaules, sont comme l'or, des rayons de soleil. Quant à mes yeux clairs ils donnent l'envie de plonger dans l'immensité de ce vert si beau, ils sont brûlants comme le feu. Mes sourcils sont hauts et admirablement arqués, ma peau est blanche, mais ardente et comme veloutée avec de l'or. Les hommes me diront que j'ai des allures de déesse, de nymphe ou toutes autres créatures merveilleuses. Je l'admets, j'ai de la chance de pouvoir jouer de mon physique, avantageux. Toutefois, les femmes trouvent en abondance des défauts imaginaires. Elles inventent par exemple que mon nez est en trompette, ou que mes cheveux sont clairs, trop claires pour être beau, desséchés, sans vie. Je ne peux que leur répondre qu'elles ont les yeux trop rapprochés, les nez trop gros et les hanches remplies de graisses. La nature m'a fait ainsi, je ne suis pas responsable de mon physique, mais je joue avec.

Je vous ai demandé d'imaginer mon élément, êtes vous toujours en train d'entendre l'eau coulante ? Avez-vous imaginez mon physique se mettre doucement en place dans ce tableau ? Bien, alors maintenant nous allons faire bouger cette peinture. Pour cela je me permets de me décrire psychologiquement. J'aime jouer. Je joue avec tout ce qui bouge, absolument tout. L'eau, les hommes, les femmes, les feuilles... Si je suis dans une période où mon cœur et mon âme sautent de joie, alors vous aurez la chance d'entendre mon rire cristallin, résonner dans la grotte, se frayer un chemin dans la cascade, pour enfin se répercuter sur les troncs des arbres, filer à toute vitesse pour arriver à votre douce oreille. Vous vivrez un doux moment et toute forme de mal être disparaîtra, en même temps que moi. Mon passe-temps favori, mis à part chuchoter des doux mots à l'eau, c'est de séduire ! Quelle joie de voir s'approcher un mâle hypnotiser par l'eau scintillante ! Je peux vous dire que j'en ai pris des hommes dans mes filets ! Durant autant d'année j'ai eu de quoi faire. Je ne m'en languis absolument pas.
J'aimerais tout de même vous mettre en garde, derrière mon visage d'ange, derrière mes déclarations, fait et gestes, je suis une vraie sauvage. Et quiconque se mettrait en travers de ma route, pourrait finir mort ... noyer. Femmes ! Je manipule vos hommes, une fois dans mes filets ils sont à moi. Je n'ai aucun remord, et je ferai de votre vie un enfer si vous vous opposez à ma personne.

Une poussière d'étoile ? Une météorite ? Un bout de la lune ? Qui suis-je ? Comment suis-je venue sur cette île ? Pourquoi ? Comment ?
Tant de questions que je ne pourrais résoudre un jour. Des questions qui vont se perdre dans la nature, se perdre comme je me perds, envolé, disparu, oublié... Alors, chaque jour qui passe, chaque fois que je vois le soleil se coucher, chaque fois que les oiseaux interrompt leur chant, je compte inlassablement les jours et essaye de me souvenir. Comme cela j'ai compté 265 896 jours. Si votre cerveau marche un tant soit peu vous aurez alors devinez que j'ai actuellement 728 ans. Sept siècles que j'ai dû partager avec des personnes immondes et infâmes. Mais, aussi sept siècles où j'ai attrapé un grand nombre d'hommes. C'est une longue histoire, puis-je vous la raconter ?

Je ne connais pas la date exacte de mon arrivée sur terre. Ai-je eu mal ? Peut-être. Cependant, j'ai la certitude de mon réveil. Les bras en croix, j'étais étendu sur l'herbe fraîche. La rosée du matin avait fait perler de minuscule goutte d'eau. C'était froid et en un sens rassurant. Ce qui m'a d'ailleurs le plus marqué c'était le calme. Un calme absolu, pendant lequel j'avais l'impression de divaguer. Je n'étais pas entièrement présente, car je voyais des images floues. Puis le noir, un noir absolu. Aucun son me parvenait. Mes jambes me piquaient et ma tête me semblait lourde. Je voulais me réveiller, être présente et voir. Soudain un bruit monstrueux se fit entendre. Éclatant mes tympans, faisant hurler ma tête. Juste à ce moment j'ouvris mes yeux et les referma aussitôt, le ciel était si beau et si bleu que la luminosité soudaine me brûla. D'autres bruits vinrent s'ajouter et je crus être en enfer. Je plissai mes yeux, me retourna dos au soleil et observa l'étrange phénomène qui était devant moi. Qui n'a jamais rêvé de voir la naissance d'une chose ? Voir par exemple une fleur qui grandit sous vos yeux pour atteindre son âge adulte, éclore et se rétracter sur elles-même pour mourir ? Et bien c'était ce qui ce passé devant moi, en supprimant la fin. J'assistai à la naissance de l'eau. Devant moi une falaise, avec des arbres à ces côtés, une grotte taillée dans cette falaise et une tranchée vide faisant des zigzags. Il y avait une seule goutte dans ce trou, mais quelle goutte ! A vu d'œil elle devait faire 1 mètre de diamètre. Et cette goutte se brisait en mille morceaux. Une goutte, puis encore une autre ! Tel des fourmis elles s'accrochaient à la paroi de la tranchée. Et petit à petit tout fut comblé. Ce qui était encore plus fabuleux c'est ce qui va suivre. Une perle d'eau se détacha est vint se mettre en hauteur. Elle se divisa en deux, puis en trois, en quatre, grossissant de plus en plus. Alors, lorsqu'elles s'estimèrent assez nombreuses, elles s'accrochèrent à la falaise une par une. De là les gouttes poussées par une force inouïe déversèrent une quantité de liquide incolore inimaginable. La cascade était née. L'eau vivait de nouveau, j'étais apparue en même temps qu'elle. Nous formions une équipe.

J'étais sur cette île depuis 36 524 jour, soit 100 ans. La vie était paisible, douce et sans grand événement majeur. Il ne s'y passait rien, c'était lent et parfois long. Les autres créatures comme les fées, les esprits, les lycans ou les vampires effectuaient leur quotidien lassant. Comme moi après tout. Je connaissais toutes les espèces du bout des doigts. De temps en temps une autre apparaissait, fuyant quelque chose ou étant simplement égaré. Chaque homme sur cette île je les avais séduis, envoûtés... J'ai et je l'avoue eu très souvent des altercations avec des femelles à qui j'avais volé leur dit petit ami, compagnon ou encore époux. Je dirais sornette, baliverne, mensonge ! Celle qui vienne me voir sont celles qui aiment leur mâle, les autres sont des enfants gâtées qui ne pensent pas au danger.
Je vais vous faire une confidence, j'ai déjà tué un être. C'était une ravissante femme. Ses cheveux bruns tombaient en boucle sur son dos, son regard suppliant et ses gestes puérils m'ont tout simplement fait craquer. Elle était amoureuse et j'avais son compagnon. Je ne vous cache pas que la voir se trémousser, hésiter à tremper son pied dans l'eau me rendait heureuse. Mais un jour elle s'était levée du mauvais pied. Elle est accourue chez moi avec une telle hargne qu'elle aurait très bien put casser un arbre avec un seul doigt. Ses cheveux fouettant son visage, elle s'est approchée délicatement de l'eau. Elle a débouché une fiole et un drôle de liquide vint se mélanger à mon eau. Je dormais, j'étais transformé en eau. Elle riait aux éclats, je ne comprenais pas pourquoi elle agissait comme cela. Le liquide formant des arabesques brisait tout sur son passage, je sentais la douleur. J'entendais les hurlements de l'eau, des gouttes, des particules. Je sentais l'eau mourir petit à petit. Une telle rage envahit mon corps que ma transformation se fit immédiate. J'apparus à un mètre d'elle, le cœur hurlant une rage infinie, l'âme en guerre. J'écartai mes bras et convoquai l'eau qui n'avait pas été empoisonnée. Deux sphères énormes vinrent se former à ma gauche et à ma droite. Mes yeux embrumés par la rage je vis la femme reculer d'un bon mètre. Je liai les bras de l'être amoureux, l'eau s'enroulant délicatement autour de ses bras fins. Tournant comme des anneaux, les cercles se rétractèrent petit à petit. Alors, hurlant ma colère les anneaux se serrèrent, étouffant et tuant ma victime. Gisant par terre, je l'ignorai et allai m'occuper de mon habitat pollué. Un jour entier de dur labeur et souffrance suffit pour nettoyer de fond en comble ma cascade. Alors, je décidai de tuer son âme sœur. Il vint à moi, trébuchant sur le cadavre de sa bien aimée. Il n'eut aucun regard pour elle et se noya seul dans l'eau.

J’étais sur cette île depuis 265 896 jour, soit 728 ans. Ma vie allait être bouleversée, pour moi, comme pour les autres créatures d’ailleurs.
Quand la cascade s’arrêtait, il se faisait un silence universel ; seulement, on entendait les cris d’oiseaux très faibles, répété. La lumière, éclairant la lisière du bois, laissait les fonds dans l’ombre ; ou bien, atténuée sur les premiers plans par une sorte de crépuscule, elle étalait dans les lointains des vapeurs violettes, d’une clarté blanche. Au milieu du jour, le soleil, tombant d’aplomb sur les larges verdures, je suspendais des gouttes argentines à la pointe des branches, le soleil rayait le gazon de traînées d’émeraudes jetait des taches d’or sur les couches de feuilles mortes ; en renversant la tête, on apercevait le ciel, entre les cimes des arbres. Quelques-uns, d’une altitude démesurée avaient des airs de patriarches et d’empereurs ou se touchant par le bout formaient avec leurs longs fûts comme des arcs de triomphe.
Sautillant tel une puce j'arrivai au bord de la plage. Je ne m'y étais pas rendu depuis longtemps et je m'exaltais des richesses de la mer et cette eau étrangement salée. C'est alors que je rêvassais que j'aperçus au loin un point qui au fil des heures devenaient de plus en plus énorme. Apercevant une flaque d'eau dans la forêt je me désintégrai et me transforma en liquide. Les heures passaient et la chose énorme s'échoua sur le sable doux de notre île. Des personnes criaient, des mâles. Mais ils n'avaient pas le même son que j'avais pu entendre depuis que j'étais apparue ici. C'était une voix dure, sèche, grave. Ils étaient beaucoup dans ce cube. Chacun sortait, posant à leur pied des objets non identifiés. Certains regardé le ciel, d'autre la mer, tandis que d'autre étaient allongés sur notre sable. Mais qui été donc ces drôles de personne avec leurs gros cubes ? Que venaient-ils faire ici ? Qu'elle était leur race ?